En 1988, pour la revue Hexagrammes numéro 4, publiée par le centre Djohi, le père Claude Larre nous accordait un entretien, que nous vous proposons de retrouver ici.

Dans cette deuxième partie de l’entretien, Le Père Larre des leçons de vie que nous pouvons extraire du Yi Jing.

De la conduite à tenir …voilà de quoi nous parle le Yi Jing.

Regardez l’histoire de la Chine, vous avez l’histoire d’un peuple qui ne s’abandonne pas. Les Empereurs font des sottises, les étrangers font des méchancetés, que ce soient les Mongols, que ce soient les Mandchous ou que ce soient les Européens, ça ne gêne pas le peuple. Il se sent chargé d’un destin. Ça ne gêne pas la civilisation chinoise, elle en a vu d’autres. Réglés sur une idée de puissance naturelle, ces gens sont prêts à survivre à n’importe quel prix.

J’ai pris cet hexagramme au hasard, j’aurais pu en prendre un autre, j’aurais un avertissement de la même manière.

Aussi longtemps qu’il n’y a pas d’objection valable, je tiens à cette idée qu’on peut se servir du Yi Jing de deux manières :

– celle du technicien qui gagne sa vie avec le Yi Jing

– ou bien on peut s’en servir comme modèle de conduite.

Ce qui sera vrai le jour, pas nécessairement où on aura tiré le Yi Jing, mais le jour où on l’aura appliqué. Supposons un homme dépressif. Il est dépressif parce que sa femme l’a abandonné, parce que sa fille l’année précédente a été tuée dans un accident, parce que des circonstances imprévisibles ont fait qu’à cinquante ans, la société qui l’employait depuis vingt-cinq ans l’a débarqué.

HEXAGRAMMES : Malheurs sur malheurs ?

Claude LARRE : Peut-être, même certainement la situation de Kan. Est-ce qu’il aura tiré ou est-ce qu’il n’aura pas tiré l’hexagramme ? Ce n’est pas le problème. Il va venir me voir : peut-être me dira-t-il : écoutez, je ne peux pas vivre comme ça, seul. Pouvez-vous me donner une raison de vivre après la mort de ma fille ? Avez-vous du travail pour moi ? J’ai le cas dont je parle : un individu modeste, qui vient de se séparer de sa femme et qui était sur le point de se séparer de son métier. Il y avait une question de 60 000 francs. Je ne lui ai pas prêté 60 000 francs que je n’avais pas, je me suis arrangé pour qu’il puisse continuer son métier avec les éléments que représentent ces 60 000 francs, trouvés matériellement à droite ou à gauche. Qu’est-ce que j’ai aimé dans ce type ? C’est qu’au moment même où il aurait pu sombrer, puisqu’il y a un abîme, il s’est appuyé sur ce rempart de terre qu’était cette proposition d’aide que je lui ai faite. C’est son énergie maintenant qui le tire d’affaire, ce n’est plus moi. Voilà pour moi ce que représente le Yi Jing comme valeur de conduite. Mais je ne suis pas prêt à tirer le Yi Jing pour savoir ce que je vais faire, parce que je ne suis pas formé à ça, et que je n’ai pas encore de conviction suffisante.

Mais je n’ai rien contre quelqu’un qui le ferait. Simplement, si c’est un Occidental, je le mettrai en garde contre ce qu’on dit être les contenus de la pensée chinoise.

Vous savez ce que j’entends par pensée chinoise : une attitude à vivre, qui sert de pensée quand on en a besoin.

HEXAGRAMMES : Vous enseignez à l’École Européenne d’Acupuncture, au Centre Sèvres et à l’Institut Catholique. Cette position d’enseignant est en rapport avec l’hexagramme qui patronne ce numéro, la folie juvénile, dans lequel un vieux sage apprivoise un jeune fou. Que pensez-vous du caractère Meng qui nomme cet hexagramme ?